J''ai accepté trop rapidement l'invitation de Funken, qui m'a demandé en toute amitié de lui écrire un petit texte de présentation pour accompagner la sortie de son album. Je pensais la tâche ultra facile, en gros juste à compiler rapidement tous les trucs que j'avais déjà écrit sur lui. J'ai encore voulu faire le malin : en fouillant dans mes archives, j'ai réalisé avec un étonnement bien réel que Funken n'avait jamais sorti d'album solo, et qu'il me demandait en fait de parler de son premier vrai album « MICHEL ». Et merde.
Ce qui est vraiment dingue, c'est que quand j'avais rencontré Funken (à l'époque où l'on rencontrait des gens sur myspace), j'étais persuadé qu'il avait déjà sorti des disques en solo. Boogers me parlait de lui alors, avec peur et admiration, comme un rappeur croisé avec Daniel Jonhston qui ne voulait pas sortir de sa chambre. Pourtant je me souviens que le contact avait été facile et qu'on s'était reniflé le cul en s'envoyant des gigas de mp3, la réponse simple en 2009 à la question « t'écoutes quoi comme musique toi ? ». A l'époque il faisait des super compiles qui s'appelaient « Pochette » sur son blog et je suis sûr qu'on peut encore les télécharger (un rappeur qui faisait des compiles avec Jay Reatard, Talking Heads, ESG, Duchess Says, Smog, Dirty Projector, Yo La Tengo, Micachu, The Feelies ou Bruce Haack, forcément ça m'avait interpelé). Du coup je l'avais invité à faire le DJ à une soirée avec Daedelus, dDamage et Piano Chat, pas en tête d'affiche, mais presque : vu qu'il me disait qu'il faisait des featurings avec des rappeurs canadiens et américains, qu'il sortait des trucs chez Milled Pavement (la version underground de labels comme Anticon ou Ninja Tune), pour moi c'était déjà une star. « Ok ok... mais quoi quoi ? Tu ne sors pas de ta chambre, tu sors des disques aux USA et t'es copain avec Boogers ?! Y a un truc qui ne va pas dans cette histoire ». Et puis un jour, on a arrêté de se croiser et on s'est rencontré en vrai. Et puis il a fait un album avec Ira Lee (sous le nom de The Fox Heads), il a joué dans le backing band de Boogers, et aujourd'hui il s'active au sein de Cocktail Pueblo avec ses amis de Pneu, de Piano Chat, des Finkielkrauts, produit, joue et chante ou fait chanter tout le monde (Mesparrow par exemple), sort un disque avec Thesis Sahib sous le nom de Awards, et n'arrête pas de faire des concerts dans les lieux les plus insolites possible : j'ai déjà vu un paquet de fois le bonhomme sur scène, du coup je connais déjà les 3/4 des morceaux de son album, d'où mon étonnement et ma surprise quand il m'a demandé d'écrire un truc sur ce « premier » disque. Je disais de lui en 2010 qu'il avait « une vraie science du beat, une attitude hip-hop et une mentalité de Dj nourri aux ambiances cinématographiques et à la folk ». En 2012, je disais qu'il était « le secret le moins bien gardé de Tours ». En 2013, je disais qu'il « considérait le hip-hop comme une autre façon de faire de la pop, Intrigant non ? Des fois on se demande pourquoi on se fait chier à aller chercher des trucs dingues à l'autre bout du monde alors qu'en bas de chez nous on a des types géniaux que le monde entier nous envie. Si j'écrivais dans Pitchfork par exemple, je lui mettrais un 9/10 ». Ah oui aussi, et parce que je pense que c'est l'occasion de le dire, Funken et Cocktail Pueblo ont inventé le mot « bamboule », un mot qui veut dire beaucoup et qui est repris un peu à toutes les sauces aujourd'hui, à tort et à travers : il est temps de remettre les pendules à l'heure, la véritable bamboule, c'est Cocktail Pueblo.
La bamboule, c'est faire du beau, du yes, en s'amusant, mais en restant très sérieux dans la manière de le faire, c'est un état d'esprit à l'image de « MICHEL », c'est à dire sensible, bricolé ou tout ce qu'on veut. Cet album, c'est de la musique vraie, c'est beau, c'est sincère, c'est pop, c'est post-punk, c'est hip-hop, c'est l'amour, c'est la joie et c'est l'amitié et le partage. Funken devrait être étudié dans les écoles du rock. Du magnifique DO IT YOURSELF, mais surtout ENSEMBLE, et BIEN.
Rubin Steiner