Si la musique folk n’a eu de cesse de faire des allers et retours entre présent et passé, grands espaces et trottoirs bondés, elle s’offre par la voix de Sol Hess une forme d’élévation hors d’un temps et d’un espace donnés. A la manière d’un rayon de lumière qui rentre et sort, brille puis s’éteint, son nouvel album prend la forme d’un carnet intime qui ouvre presque involontairement une voie vers la transcendance. Figure désormais bien installée de l’underground français, Sol Hess échappe à chaque fois aux catégorisations trop faciles et à la répétition. On a ainsi pu le croiser en frontman d’un groupe post-punk fiévreux (Sweat Like An Ape !), en chef d’un orchestre post-jazz aux accents noisy (Sol Hess & The Boom Boom Doom Revue) ou en patron défricheur de label (pour son exigeante maison Club Teckel). Et cela sans compter ses collaborations avec le milieu de la BD, de l’illustration et du spectacle vivant.

En ayant largué les amarres de la ville qu’il habitait depuis longtemps, le musicien né en Angleterre semble avoir fait de la place dans son inspiration. Waiting For The Cricket Choir est un disque extrêmement personnel et intime, marqué par le silence de la campagne où il vit désormais, par la marque d’un temps qui s’étire jusqu’à l’extase et d’un dépouillement qui substitue la quête d’une vérité personnelle à celle de l’ascétisme. Poursuivant ainsi l’entreprise de The Missing View, son premier album solo paru en 2021, Sol Hess a resserré sa formule autour d’une simple guitare classique, de sa voix et de quelques arrangements fantômes qui hantent les pistes de ce disque enregistré à la maison et mixé de manière discrète par Rubin Steiner, collaborateur de longue date. Malgré ce minimalisme assumé, cette nouvelle collection de chansons donne une impression de liberté et d’honnêteté rares. C’est dans les entrelacs de ses mots et de ses notes de guitare que Sol Hess découvre un monde foisonnant, où l’on peut au choix rester caché ou s’abandonner, en laissant la lumière prendre toute la place.